Sustainable IT Day, ensemble pour un numérique plus responsable
✎ Écrit par Loïc Volery - 10 Septembre 2024Le 1er Sustainable IT Day, organisé par l’ISIT-CH, était l’occasion de réunir les acteurs du numérique responsable en Suisse romande. Pari réussi pour cette première édition avec plus de 150 participants, 6 tables rondes et 4 workshops. Au sortir de cet événement, si l’impression qui en ressort est que le chemin est potentiellement long pour construire un cadre plus responsable pour le numérique, les perspectives de développement n’en sont pas moins séduisantes.
Placé sous le signe de l’annonce du soutien de l’État de Vaud au Swiss Institute for Sustainable IT (ISIT-CH), le 1er Sustainable IT Day aura su convaincre les Suisses romands de se déplacer en nombre. Plus de 150 participants se sont réunis le 28 mai 2024 pour la 1ère édition de cet événement à Lausanne pour participer aux 6 workshops et 4 tables rondes programmés.
Les workshops ont permis à tous les inscrits d’exercer leur pratique du numérique responsable et monter en compétences. Les thèmes les plus essentiels du numérique responsable ont été abordés : éco-conception, évaluation de l’empreinte environnementale du Système d’Information, achats et feuille de route numérique responsable. Les conférences étaient résolument tournées vers demain : comment continuer à créer avec le numérique tout en ayant une trajectoire compatible avec les limites planétaires ?
Innover demain, sous contrainte
Autour de la table ronde sur le thème de “l’innovation sous contrainte”, Pierre-Olivier Dehaye (Hestia.ai) a rappelé que le premier enjeu pour innover est de sortir du conservatisme. La contrainte culturelle est à ses yeux souvent un frein à l’innovation. Savoir se détacher de ce conservatisme est le premier frein à lever pour innover. Pour Isaac Pante (UNIL), la contrainte s’exprime également dans la nécessité de toujours savoir innover. “Soit vous innovez, soit vous êtes obsolète”.
Au-delà de ces considérations, Laura Tocmacov (Impact IA) a pour sa part rappelé que demain, l’enjeu sera de savoir répondre à la question “qu’est-ce qui est acceptable” en termes d’innovation. Face au défi climatique et aux enjeux éthiques, la contrainte va s’intensifier à mesure que le champ des possibles devient plus grand avec l’IA entre autres. Il faut alors créer un cadre pour que l’innovation reste acceptable aux yeux du plus grand nombre. A ce titre, une Intelligence Artificielle (IA) transparente et accessible à tous est cruciale pour un développement équitable.
Pour les participants de cette table ronde, la Suisse peut devenir un modèle de sobriété numérique et montrer la voie à ce que sera l’innovation demain. Ils voient également la Suisse comme un potentiel leader dans l’alignement de l’IA sur les droits fondamentaux alors que les innovations autour de l’IA font feu de tout bois sans cadre réel aujourd’hui.
Repenser notre rapport à l’Intelligence Artificielle générative
Sur une seconde table ronde consacrée à l’impact de l’IA, Vincent Courboulay (La Rochelle Université) a expliqué que si l’IA entre de plein champs dans les enjeux du numérique responsable c’est parce que « l’IA est un concentré d’impacts numériques ».
Il a rappelé que des centaines de milliers de personnes précarisées étiquettent l’IA et travaillent pour créer les puces électroniques nécessaires à l’IA. Ce sont aussi potentiellement des centaines de millions de personnes impactées dans leur métier et autant d’équipements qui entrent dans des cycles de vie de plus en plus courts pour avoir toujours plus d’IA en assistance.
Au yeux de Vincent Courboulay, les opportunités de l’IA se situent avant tout autour de ce qu’on appelle des datalakes. Avec les datalakes, les IA génératives travaillent sur des champs de données réduites, spécifiques à chaque entreprise. La précision des réponses et la pertinence pour l’entreprise s’en trouvent fortement accrues. Pour lui, il faut privilégier le développement de ces petites IA spécialisées, expertes, agencées spécifiquement pour l’entreprise, et par l’entreprise. C’est ce qui permettra de limiter l’impact de l’IA par rapport au développement de « super intelligences globales ».
Intégrer la cybersécurité dans les enjeux du numérique responsable
Le 1er Sustainable IT Day a également abordé la nécessité de coupler cybersécurité et durabilité dans une table ronde dédiée. Pour Lennig Pedron (Trust Valley / EPFL Innovation Park), le premier enjeu est de bien comprendre tous les flux de données existants. Ensuite, il faut savoir intégrer la cybersécurité et la durabilité dans les réponses à appel d’offres. Ce n’est pas chose aisée mais c’est la combinaison des deux qui est un facteur de succès.
Pour Aurélien Antonoff (Wavestone), l’intégration n’est pas simple mais il y a des raisons d’être optimiste. Il explique que beaucoup d’actions peuvent être menées tout en permettant de réduire le niveau de risque et d’apporter des co-bénéfices. Il détaille ainsi le principe de “cyberrésilience” où la possibilité d’optimiser les infrastructures qui permetttent la reprise d’activité va entraîner des gains à la fois en termes d’empreinte carbone mais aussi en termes de coût.
Cette table ronde conclut qu’intégrer les critères d’évaluation dans les processus de décision de cybersécurité est essentiel. Cela permet de s’assurer que là où il y a des situations où on peut améliorer l’empreinte environnementale, on peut le faire et si ce n’est pas le cas, de pouvoir agir de manière informée.
Développer une approche systémique
L’enjeu de la dernière table ronde de la journée était de questionner l’approche plus globale nécessaire pour repenser notre rapport au numérique. Dans cette perspective, Louise Aubet (Resilio) a relevé l’incompatibilité de trajectoire entre le numérique qui est interconnecte tout tout le temps et les enjeux de durabilité.
Pour elle, le nombre d'équipements numériques existants et à venir est incompatible avec les limites planétaires. Sans compter que l’énergie va devenir beaucoup plus précieuse a rappelé Assia Garbinato (Romande Energie). Pour elle, l’enjeu, demain, est que l’énergie “occupe sans préoccuper”. Une façon de dire que nous devrons être plus vigilants à l’avenir sur notre consommation d’énergie tout en montrant qu’une approche responsable peut nous aider à préserver nos modes de vie.
Olivier Vergeynst (Belgian Institute for Sustainable IT) a pour sa part mentionné qu’il faut sortir de l’approche business as usual. Pour l’heure, d’après lui, les entreprises font surtout des ajustements à la marge, mais il est pourtant essentiel de changer de paradigme. Un moyen, pour lui, est de pousser les dirigeants à mieux intégrer la durabilité dans le fonctionnement de l’entreprise. Entre autres, l’intégration d’indicateurs d’impact dans leurs bonus est à ses yeux un moyen efficace d’y parvenir. Taxer différemment les bénéfices peut être aussi un autre moyen.
Enfin, aux yeux de David Jeanmonod (LIIP), l’approche passe aussi par la considération du scope 3 de l’entreprise. Pour lui, même si on utilise des énergies renouvelables et des techniques d’éco-conception pour produire des produits digitaux, si ensuite, ils sont utilisés dans des entreprises ayant un impact négatif, alors le travail réalisé est contre-productif. C’est à ses yeux un des points les plus difficiles à activer pour les producteurs de services numériques mais un levier clé du changement de paradigme.
Et de conclure qu’emprunter la voie de la durabilité est essentiel et qu’il faut le faire pour la planète et la société mais également pour sa propre entreprise. Un moyen aujourd’hui de devancer la régulation, rester attractif et d’en tirer un avantage concurrentiel qui, à ses yeux, ne va faire que de s'accroître.
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